Qualité de la formation : quatre ministres remettent l'ouvrage sur le métier
- Administrateur

- 22 août
- 5 min de lecture
S'assurer que les formations s'inscrivent bien dans une perspective professionnelle, habiliter les organismes à former, revoir le référentiel Qualiopi, lutter contre la fraude… : c'est un vaste plan interministériel qui a été présenté jeudi 24 juillet dont la mise en œuvre s'étalera jusqu'à la fin 2026.
Depuis 2018, la formation professionnelle et l'apprentissage ont connu un essor considérable. L'heure est aujourd'hui à la régulation. C'est l'objet du premier plan interministériel d'amélioration de la qualité de la formation professionnelle et de lutte contre la fraude, présenté jeudi 24 juillet sous la présidence d'Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche [ 1 ].
Un plan en quatre volets
Malgré des avancées dans le domaine de la qualité, « des freins subsistent : pratiques frauduleuses, hétérogénéité des processus, manque de transparence. Aujourd'hui, nous faisons un pas de plus pour améliorer la garantie de qualité des formations et l'efficacité de chaque euro public investi », déclare la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet. Ces objectifs sont déclinés dans les quatre volets du plan : renforcer la qualité des formations, garantir la qualité des processus des organismes de formation, mieux informer et protéger les jeunes et les actifs, déployer une politique de tolérance zéro contre la fraude.
Des formations formant à l'emploi
L'axe « renforcer la qualité des formations » vise à s'assurer que les contenus des formations s'inscrivent bien dans une perspective professionnelle et permettent aux apprenants d'acquérir les compétences requises par le marché du travail. Dans ce cadre, il est prévu de renforcer les obligations des organismes délivrant des formations préparant à des certifications professionnelles. À cet effet, le décret du 6 juin 2025 relatif à la certification professionnelle précise la forme juridique et le contenu des habilitations à former et à évaluer octroyées par un certificateur. Les organismes de formation devront également « présenter efficacement les débouchés professionnels et les conditions d'inscription aux examens », précise l'entourage d'Astrid Panosyan-Bouvet.
Une habilitation pour former sur les diplômes du CAP au BTS
Pour former en apprentissage ou dans le cadre de la formation continue sur les diplômes du CAP au BTS relevant du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, les organismes de formation devront être spécialement habilités (à partir du 2e semestre 2026). Cette habilitation pourra être refusée, suspendue ou retirée le cas échéant.
Lutter contre les dérives sectaires
Le ministère du Travail souhaite également mieux lutter contre les dérives sectaires dans le domaine de la formation initiale et continue et mieux contrôler les formations à des activités réglementées afin d'éviter les pratiques illégales de la médecine notamment. Le cadre juridique permettant aux SRC (services régionaux du contrôle) de contrôler et de sanctionner sera renforcé en conséquence.
Protéger les apprentis contre les accidents du travail
Comme elle l'avait annoncé en avril dernier après la mort d'un apprenti maçon de 15 ans renversé par un engin de chantier à Saint-Martin-du-Var, la ministre souhaite renforcer les règles de sécurité s'appliquant aux apprentis. « Sans minorer le rôle de l'employeur, il faut aussi que cette prévention soit intégrée à la formation », indique son entourage. Le rôle des CFA dans la prévention des risques professionnels « dès le début de la formation » sera inscrit dans la loi pour une application « au 1er semestre 2026 ». Cette loi prévoira également une mission de détection et de prévention de l'illettrisme. « Beaucoup de CFA font de la prévention dans ces deux domaines mais l'inscrire dans la loi permettra à nos services de sanctionner les centres qui ne seront pas au niveau dans ces deux sujets fondamentaux. »
Intégrer de nouveaux indicateurs à Qualiopi
« En lien très fort avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur », le ministère du Travail va transformer les processus de qualité des organismes de formation en intégrant de nouveaux indicateurs à la certification Qualiopi, notamment pour les formations en apprentissage. « Nous voulons mieux évaluer, sans rentrer dans le contrôle pédagogique, la qualité de l'organisation pédagogique. On pouvait avoir dans Qualiopi des logiques de check-lists qui ne rendaient pas compte de la réalité des moyens mobilisés. Cette solution va permettre d'avoir un référentiel plus exigeant. » Dans le cadre du nouveau Qualiopi, les CFA devront par exemple clarifier leurs missions, notamment dans l'accompagnement pédagogique et l'alternance entre formation théorique et pratique en entreprise.
Renforcer les modalités des audits qualité de Qualiopi
Les contrôles sur place dans les organismes seront systématisés et la présence du dirigeant sera obligatoire lors de l'audit. Ceci, afin de « proscrire certaines pratiques actuelles où les conseils externes représentent l'organisme dans les échanges avec l'auditeur, ce qui ne permet pas de réellement apprécier l'appropriation par l'organisme des attendus de Qualiopi ».
Une certification des auditeurs Qualiopi va être rendue obligatoire (formation certifiante enregistrée au Répertoire spécifique). De plus, les conditions déontologiques seront renforcées pour préciser les cas d'incompatibilité.
France compétences va se voir confier un rôle d'appui du Cofrac (Comité français d'accréditation) pour mieux réguler les pratiques des organismes certificateurs Qualiopi.
Élargir le champ d'application de Qualiopi
Le projet de loi de modernisation et de régulation de l'enseignement supérieur qui sera présenté au Parlement à l'automne 2025 étend l'obligation de détenir Qualiopi pour tous les organismes de formation préparant à des certifications professionnelles. Actuellement, les prestataires qui dispensent des formations sanctionnées par une certification professionnelle n'ont pas l'obligation de disposer de Qualiopi s'ils se financent uniquement par des frais de scolarité. Désormais, ils devront être « qualiopisés ». Même chose pour les organismes qui sont financés par les fonds d'assurance formation des non-salariés.
Tolérance zéro contre la fraude
La loi « Cazenave » du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques permet de suspendre la déclaration d'activité d'un organisme en cas de suspicion de fraude. Des mesures vont compléter ce cadre afin de « refuser ou annuler la déclaration d'activité d'organismes de disposant pas de locaux ou ayant présenté à l'appui de leur demande des documents frauduleux ou obtenus frauduleusement ». Elles permettront également de refuser d'accorder un numéro de déclaration d'activité durant un délai de carence à des organismes ou dirigeants ayant déjà été sanctionnés pour fraude.
Des procédures de contrôle renforcées
Un décret en Conseil d'État comportera plusieurs mesures visant à renforcer le cadre procédural des contrôles des SRC et des dispositions législatives permettront de renforcer les mécanismes de sanction administratives. Il est également prévu de mieux coordonner les contrôles des différents acteurs de la formation par la mise en place notamment d'un « système d'alerte mutualisé pour améliorer la réactivité, la coordination et l'effectivité des contrôles ».
140 M€ récupérés par les services de contrôles en 2024
Difficile pour le ministère du Travail d'affirmer que les fraudes et détournements dans le champ de la formation professionnelle augmentent. « Quand on contrôle, on trouve, et comme on contrôle davantage… » En 2024, les SRC ont « récupéré » 140 M€ de fonds indûment versés aux organismes de formation : 85% de cette somme provenant du CPF (compte personnel de formation) et 10% de l'apprentissage. Les 5% restant viennent des PTP (projets de transition professionnelle) et contrats de professionnalisation notamment.
Opco : « Une mission de contrôle perfectible »
D'autre part, à une question posée sur le bilan de la mission de contrôle exercée par les opérateurs de compétences (Opco), le ministère renvoie au rapport de l'Igas qui devait être présenté à Astrid Panosyan-Bouvet le 23 juillet en fin d'après-midi. « Ce point sera au cœur des discussions avec les Opco sur la nouvelle génération de COM (conventions d'objectifs et de moyens). Nous ne connaissons pas encore les conclusions de l'Igas mais ce qui est sûr, c'est que cette mission est perfectible à date », indique l'entourage de la ministre.
Source: Centre Inffo - 25 07 2025







Commentaires