PLF 2023
- Administrateur
- 1 déc. 2022
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le Sénat plafonne le CPF, réduit les crédits de France compétences et du PIC, et augmente ceux de l’IAE
Les sénateurs ont adopté en le modifiant le budget du ministère du Travail lors de l’examen en séance publique du PLF pour 2023, lundi 28 novembre 2022 : la subvention de l’État prévue pour soutenir la trésorerie de France compétences est diminuée de 300 millions d’euros. Les crédits du PIC perdent 250 M€ alors que ceux de l’IAE (insertion par l’activité économique) sont augmentés de 30 M€. Enfin, le Sénat souhaite que la prise en charge du CPF soit plafonnée pour certaines formations listées par un décret en Conseil d'État, allant ainsi plus loin que la position actuelle du gouvernement.
Les organismes de formation le redoutaient et n’ont, semble-t-il, pas été entendus par le législateur et le gouvernement. Lors de l’examen des crédits de la mission "Travail et emploi" prévus par le projet de loi de finances pour 2023, les sénateurs ont adopté deux amendements identiques (II-28 et II-376) visant à limiter le coût global des formations financées par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts au titre du CPF.
Défendus par deux des rapporteurs du texte, Emmanuel Capus (Les Indépendants - Horizons, Maine-et-Loire) et Frédérique Puissat (LR, Isère), ces amendements prévoient que "la prise en charge du coût de la formation […] par la mobilisation des droits inscrits sur le compte personnel de formation peut être plafonnée selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. Ce décret détermine les formations concernées et, pour ces mêmes formations, les cas dans lesquels ce plafonnement n’est pas applicable."
CPF : UNE LISTE POUR LES FORMATIONS L’établissement d’une liste est précisément ce que les prestataires de formation souhaitent éviter en raison de son impact sur le nombre de formations qui seront effectivement demandées et financées à l’avenir. En effet, le plafonnement proposé par les sénateurs reviendra mécaniquement à instaurer une forme de "reste à charge" pour les titulaires d’un compte qui ne pourront prétendre à un financement total du coût de la prestation. De fait, la formulation sénatoriale est plus précise que celle introduite en première lecture à l’Assemblée nationale, à l’initiative de l’exécutif. Si l’objectif poursuivi est le même, l’amendement gouvernemental voté par les députés se contente de faire référence à "un mécanisme de régulation" dont les modalités seront ultérieurement définies par décret en Conseil d'État.
Les sénateurs ont considéré que leur propre amendement vise à mieux encadrer le dispositif prévu par l’article 49 du PLF "qui laisse une totale marge d’appréciation au pouvoir réglementaire pour mettre en œuvre un principe de régulation dont la portée juridique reste peu explicite". Cette argumentation n’a pas suscité d’opposition frontale de la part du ministère du Travail, Olivier Dussopt et de sa ministre déléguée à la Formation professionnelle, Carole Grandjean. Tous deux s’en sont remis à la sagesse du Sénat. Ce qui peut laisser supposer que députés, sénateurs et gouvernement, pourraient trouver un compromis sur ce sujet lors de la CMP (commission mixte paritaire) qui tentera d’établir le texte définitif du projet de loi de finances, en fin de semaine prochaine.
La régulation attendue du recours au CPF est jugée nécessaire par l’exécutif car le coût de ce dispositif, aujourd’hui totalement libre d’utilisation, pèse sur l’équilibre financier du système de formation et le budget de France compétences. En 2022, les engagements attendus devraient approcher les 2,8 milliards d’euros. Or, dans son budget prévisionnel pour l’année prochaine, France compétences a prévu une enveloppe limitée à 2,4 Md€ pour financer les actions de formation au titre du CPF.
550 M€ DE MOINS POUR LE PIC ET FRANCE COMPÉTENCES
C’est dans le même esprit de limitation des dépenses que la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales, Frédérique Puissat, a déposé un autre amendement (II-377) visant à réduire de 550 millions d’euros (800 M€ en autorisations d’engagement) le budget du ministère du Travail qui affiche une forte progression sur l’année prochaine (+6,7 Md€, principalement en raison de la prise en charge par la mission "Travail et emploi" de crédits financés depuis 2020 par la mission "Plan de relance").
Dans le détail, la subvention de 1,7 Md€ de crédits de paiement prévue par le PLF au bénéfice de France compétence serait réduite de 300 millions d’euros. Ce montant "correspond aux économies qui pourraient être générées par la réduction des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et la régulation des dépenses liées au CPF. Elle pourrait en outre être compensée par une diminution de la contribution de France compétences au PIC, la trésorerie de l’établissement étant en grande difficulté et une partie des actions du PIC n’ayant pas vocation à être directement financée par les employeurs", considère la sénatrice de l’Isère dans son exposé des motifs.
Et concernant le Plan d’investissement dans les compétences, l’amendement sénatorial prévoit une baisse de son enveloppe à hauteur de 250 M€ (500 M€ en AE). Selon Frédérique Puissat, "le niveau des crédits demandés pour le financement du PIC n’est pas adapté, alors que ce plan doit prendre fin l’an prochain, que son pilotage n’est toujours pas satisfaisant et qu’il a connu une sous-exécution moyenne de l’ordre de 460 millions d’euros en AE en 2019, 2020 et 2021. Sans freiner les initiatives prises en faveur de l’insertion professionnelle dans les régions, il est donc proposé d’allouer au PIC des crédits à la hauteur des besoins d’une dernière année d’exécution."
Ce choix a été contesté tant par le rapporteur spécial de la commission des Finances, que par le gouvernement. La diminution proposée pour France compétences "pourrait être dangereuse", a prévenu Olivier Dussopt. C’est aussi une "fausse bonne idée" selon Emmanuel Capus car "la réduction de l’enveloppe de l’apprentissage ne portera pas ses fruits cette année. L’inscription d’un montant de 1,7 milliard [en loi de finances initiale] est bien plus sincère, puisque la dépense aura bien lieu." "Je crains même qu’elle ne suffise pas", a observé le sénateur.
30 M€ POUR L’IAE
Également contre l’avis de la commission des Finances et celui du gouvernement, le Sénat a par ailleurs voté trois amendements identiques dont un défendu par Daniel Breuiller (Écologistes, Val-de-Marne), pourtant rapporteur spécial de la commission des Finances (II-448), qui prévoit d’augmenter de 30 millions d’euros les crédits alloués à l’insertion par l’activité économique. "Il apparaît incontournable de poursuivre la dynamique du Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique et de prévoir budgétairement davantage de postes en 2023 qu’en 2022. Si le budget présenté pour 2023 est en augmentation en valeur, passant de 1 299,77 millions à 1 316,33 millions d’euros, il est en réalité en diminution en nombre d’ETP finançables compte tenu de la hausse du Smic. La loi prévoit en effet que les montants unitaires des aides aux postes sont indexés sur le Smic", souligne l’exposé des motifs de l’amendement.
Les 30 M€ supplémentaires seraient financés par redéploiement au sein de la mission "Travail et emploi" afin d’affecter 20 M€ au financement de postes dans les entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion et entreprises d’insertion par le travail indépendant et 10 millions "pour conforter le PIC IAE et l’ensemble des structures par l’activité économique". "Veillons à la maîtrise de nos dépenses publiques. Depuis quatre ans, le budget de l’IAE a considérablement augmenté", a déclaré Emmanuel Capus pour justifier son opposition à cette hausse. Soutenu en ce sens par Olivier Dussopt.
Source AEF - 30 11 2022
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