Un contrôle étatique renforcé sur les opérateurs de compétences ?
- Administrateur

- 3 déc.
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Deux projets de décrets renforcent le contrôle des Opco (opérateurs de compétences) par la puissance publique, et posent la question de leur avenir et de l'avenir du paritarisme de gestion dans ces structures. Des partenaires sociaux s'y opposent.
Que restera-t-il du paritarisme de gestion dans les Opco si les deux projets de décret soumis à la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle du 26 novembre [ 1 ] s'appliquent au 1er janvier 2026 ? Selon Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation à Centre Inffo, avec ces décrets « le paritarisme conserve la responsabilité politique, tandis que le pilotage opérationnel et économique se déplace clairement du côté de l'État. C'est une transformation silencieuse, mais profonde » [ 2 ].
Sur-contrôle
Selon lui, les Opco entrent dans « une ère de sur-contrôle, où l'État dépasse largement le simple rôle de régulateur : il s'immisce dans l'architecture même de leurs organisations : Le paritarisme est-il encore un principe structurant ou un souvenir ? ».
Il fait l'analyse que les marges de manœuvre des Opco se réduisent drastiquement, et que « le paritarisme décisionnel laisse place à un pilotage technico-budgétaire très centralisé ». Un pilotage passant par « une transparence exigée d'un niveau inédit », puisque la future COM (convention d'objectifs et de moyens) devra désormais intégrer : une trajectoire pluriannuelle des effectifs, la masse salariale par section, un schéma directeur immobilier, un schéma directeur des SI (systèmes d'information), une évaluation d'impact des actions métiers / alternance, et la liste des 10 plus hautes rémunérations. « Ces informations ne relèvent plus du pilotage paritaire interne, mais d'une logique de régulation quasi-administrative », note Fouzi Fethi. Par ailleurs, analyse-t-il, la nouvelle définition du périmètre des frais de gestion est telle qu'elle renforce mécaniquement le rôle régulateur du ministère et réduit encore l'autonomie paritaire.
1500 départs
« Tout cela est très précipité, trop tendu et risque de tout fracasser », analyse Jean-François Foucard, secrétaire national emploi et formation professionnelle au sein de la CFE-CGC. L'État cherche de l'argent sur le dos des Opco, poursuit-il, alors qu'ils fonctionnent bien, même si on peut toujours en améliorer l'efficience. Et le représentant CFE-CGC de questionner : tout cela doit-il mener à un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) global touchant 1500 personnes dont le coût serait énorme ? Sera-t-il financé sur les fonds propres des Opco ? Si les Opco doivent se séparer de 1500 personnes sur environ 6000, cela ne va t-il pas avoir d'effet sur leur efficience ?
Le responsable CFE-CGC soulève un autre sujet évoqué dans les projets de décrets et le rapport Igas préalable : le système informatique. Tout cela doit-il mener à un seul système d'information ?, questionne-t-il. « L'option de choisir l'Agence de services et paiement de l'État n'a pas de sens, car beaucoup de chose sont encore gérées manuellement sur les contrats d'apprentissage dans environ un tiers des dossiers », estime-t-il. Le fait est, conclut-il, que l'apprentissage assèche tous les autres financements aujourd'hui, et qu'il n'y a plus de marge de manœuvre pour le reste.
Économies
Eric Chevée, vice-président de la CPME en charge des question sociales, partage les points d'inquiétude soulevés, et refuse toute idée de PSE ou de plan de départ seniors dans les effectifs des Opco. Il espère que le cumul d'effort d'économie et de départs naturels de salariés permettra d'atteindre les objectifs de réduction de frais de gestion et de mission qui ont été communiqués aux Opco la semaine dernière. Par exemple : moins 19,5 millions pour Opco EP, moins 18,5 pour Akto, moins 16 pour Opco2i, moins 9 pour Opcommerce… Eric Chevée s'inquiète néanmoins des coûts que pourraient atteindre des plans de départ volontaires négociés.
Fraude
Si, par ailleurs, Eric Chevée se dit ouvert à une des idées des décrets -déjà contenue dans le rapport Igas- de mutualisation des mètres carrés des locaux des Opco, il est beaucoup plus dubitatif sur un autre point avancé par les décrets : la lutte anti-fraude, qui doit devenir un pivot stratégique, avec l'obligation d'une cartographie annuelle des risques, accompagnée d'un plan d'action et d'un bilan de mise en œuvre. « Les Opco ont des pouvoirs limités en la matière, et par le passé la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) n'a pas toujours utilisé les informations de fraude remontées par les Opco notamment sur le CPF (compte personnel de formation) », commente-t-il.
Source : Centre Inffo - 02 12 2025







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