Cinq millions de salariés occupent des emplois « peu qualifiés »

Loin d'avoir disparu, les emplois peu qualifiés se sont transformés et sont désormais plus présents dans les services que dans l'industrie, selon une étude du Cereq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications).

« Les emplois peu qualifiés restent nombreux et structurent une division du travail que l'on croyait vouée à disparaître », remarque le Cereq dans une nouvelle publication parue en octobre. En France, cinq millions de salariés occupent des emplois « peu qualifiés ».  Selon l'Insee, en 2023, ces emplois représentaient 17,1 % de l'emploi total, soit un peu plus d'un emploi sur six. Une relative stabilité qui bouscule non seulement l'hypothèse d'une montée en qualification mais aussi le scénario d'une polarisation du marché du travail, qui supposerait un recul des emplois de qualification moyenne au double profit des emplois très qualifiés – cadres et professions intermédiaires – et des emplois peu qualifiés. En réalité, les emplois très qualifiés augmentent tandis que les moins qualifiés sont relativement stables.

Transformation de l'emploi peu qualifié

L'emploi peu qualifié perdure et « se transforme » : il n'est plus exercé principalement dans un contexte industriel mais de plus en plus dans les services et l'artisanat. La part des ouvriers peu qualifiés baisse notamment dans l'industrie lourde, alors que l'emploi ouvrier se redéploie dans les services à l'industrie (nettoyage, maintenance, tri, expédition) et se renforce dans les transports, la logistique et les travaux publics.

Chez les débutants, la part d'ouvriers peu qualifiés, trois ans après l'entrée dans la vie active, est passée de 14 à 8 % entre les cohortes 1998 et 2017. La proportion de jeunes employés peu qualifiés trois ans après leur entrée dans la vie active est elle passée de 9 à 12 % en vingt ans. Dans ce paysage mouvant, certains emplois, qui étaient classés comme non qualifiés, comme les agents de sécurité, sont sortis de la catégorie sous le double effet d'une complexification des tâches et d'une reconnaissance accrue des compétences requises.

Féminisation

L'emploi peu qualifié se féminise. En 2020, 23,5 % des femmes salariées sont employées ou ouvrières non qualifiées, contre 14,3 % des hommes alors qu'entre 1950 à 1980, ces emplois étaient majoritairement masculins. Les personnes immigrées sont aussi surreprésentées dans les emplois peu qualifiés, notamment dans les services à la personne, le bâtiment et la sécurité. L'emploi peu qualifié représente aujourd'hui 22 % des premiers emplois.

Ces emplois sont souvent sous-estimés : non-reconnaissance du travail, euphémisation de la pénibilité, invisibilisation des compétences, mise sous silence des conditions de travail. Pourtant, ces métiers demandent un travail complexe de mise en œuvre mais sont mal rémunérés et souvent précaires. Cette fragilisation de la relation d'emploi confronte spécifiquement les salariés en emploi peu qualifiés aux dispositifs de politique publique : il est désormais attendu des salariés en emploi peu qualifié qu'ils soient comptables de leur travail, entrepreneurs de leur vie professionnelle, responsables de leur parcours. Mais agir sur l'essor des compétences ne suffit pas dans la mesure où des facteurs sociaux, institutionnels, organisationnels, managériaux ne sont pas pris en compte.

Source : Centre Inffo - 07 11 2025