Accompagnement, organisation, budget... Ce que contient le rapport France Travail
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- 24 avr. 2023
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Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi, présente les contours de France Travail, mercredi 19 avril 2023. Avec ce nouvel opérateur du SPE, l’objectif est de mieux connaître toutes les personnes sans emploi, qui devront obligatoirement y être inscrites. L’accompagnement doit être renforcé avec, pour les bénéficiaires du RSA, des activités de 15 à 20 heures par semaine. Pour le volet employeurs, il est prévu de contacter davantage les entreprises et de mieux coordonner les actions des différents partenaires. L’ensemble devra sappuyer sur des outils communs et une gouvernance "simplifiée".
"Dix enjeux et 99 propositions : le rapport se veut être une proposition de feuille de route opérationnelle", résume Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi et à l’Engagement des entreprises. Il dévoile, mercredi 19 avril 2023, le rapport de synthèse de la concertation sur France Travail. Un chantier lancé en septembre 2022 et qui a pris du retard.
La transformation de Pôle emploi en France Travail est une promesse de la dernière campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. L’objectif affiché est de mieux connaître et accompagner les personnes sans emploi et les entreprises pour, in fine, faire baisser le chômage et les difficultés de recrutement.
TOUTES LES PERSONNES "SANS EMPLOI"
Le premier sujet est celui de l’inscription et du diagnostic. L’ambition est de mieux identifier toutes les personnes sans emploi qui sont aujourd’hui "peu connues ou éclatées dans tout l’écosystème" (Pôle emploi, allocataires du RSA, jeunes…), précise Thibaut Guilluy.
L’inscription pourra se faire en ligne, sur un portail commun, ou auprès du réseau des guichets physiques des opérateurs France Travail voire de ses partenaires. Elle reposera sur des procédures communes et devra permettre l’orientation vers le bon accompagnement.
"ALLER CHERCHER"
Le premier entretien d’accompagnement devra permettre de réaliser un diagnostic approfondi des compétences et appétences de la personne ainsi que de ses besoins sociaux et professionnels.
La mission propose de généraliser les démarches d’"aller vers" en organisant plus systématiquement la liaison avec les acteurs de proximité (associations de lutte contre l’exclusion, clubs de sport, CCAS…). Le rapport prône aussi une logique "d’aller chercher" pour éviter les ruptures. Notamment en accompagnant la recherche du premier emploi des jeunes en dernière année de lycées professionnels ou d’université. Une expérimentation sera lancée pour proposer un accompagnement personnalisé des personnes licenciées, en particulier pour inaptitude, sans attendre la fin du préavis.
15/20 HEURES D’ACTIVITÉS
France Travail repose ensuite sur une volonté de renforcer l’accompagnement des personnes sans emploi. Pour les plus autonomes, les "opportunités doivent être plus nombreuses", assure le haut-commissaire. Par exemple pour recevoir davantage d’offres d’emploi ou des ressources en e-learning.
Pour les personnes les plus en difficultés, les parcours seront beaucoup plus intensifs, avec de 15 à 20 heures d’activités d’insertion obligatoires par semaine. Des adaptations seront possibles pour les personnes en grande exclusion, précise le rapport. Il s’agit d’une reprise du principe du CEJ (Contrat d’engagement jeunes). Des expérimentations ont été lancées ou sont en passe de l'être dans 17 départements et la métropole de Lyon, dans le cadre de la préfiguration de France Travail.
MAINTENIR L’EFFORT DU PIC
En conséquence, les portefeuilles des conseillers dédiés à cet accompagnement intensif devront être réduits à quelques dizaines de personnes. Des référents de parcours doivent permettre un "suivi simplifié" et régulier, pour éviter les ruptures.
Le contenu de ces heures d’activités "dépendra de la situation des personnes", assure Thibaut Guilluy. Cela pourrait être des immersions, des ateliers, de la formation. Il préconise ainsi de "maintenir l’effort du PIC" qui doit prendre fin cette année et de "le cibler sur ceux qui en ont le plus besoin". France Travail aura pour mission de développer les formations préparatoires à l’embauche. Les aides individuelles à la formation préalable à l’emploi (POEI, AFPR) seraient alors fusionnées pour davantage de simplicité.
UNE "SUSPENSION REMOBILISATION"
Chaque personne inscrite à France Travail signera un contrat d’engagement au début de son parcours. Le rapport propose de revoir le régime des obligations afin qu’elles soient cohérentes entre les différents publics (demandeurs d’emploi, jeunes en CEJ, allocataires du RSA…).
La mission souhaite également déployer des équipes territoriales pluridisciplinaires dédiées au contrôle des engagements. "Les sanctions doivent être plus progressives, plus effectives et permettre une remobilisation", assure le haut-commissaire. La mission mise sur un "contrôle global" des démarches d’insertion et de la situation de la personne. En complément des sanctions prévues dans les textes actuels, le haut-commissaire propose une "suspension remobilisation", qualifiée de sanction intermédiaire. Son objectif : permettre de suspendre puis de "verser sans perte financière si le parcours est repris".
DES ÉQUIPES EN DIRECTION DES ENTREPRISES
Toutes les mesures d’accompagnement doivent s’accompagner d’une "connexion plus forte avec les besoins des entreprises". L’opérateur France Travail animera dans chaque bassin d’emploi l’action des équipes dédiées à l’aide au recrutement des entreprises des différents membres du réseau France Travail (missions locales, Apec, Cap emploi, Plie, maisons de l’emploi, SIAE, etc.). Le but est de coordonner les actions pour éviter que certaines entreprises ne soient contactées à répétition par plusieurs professionnels quand d’autres ne rencontrent personne.
Le rapport recommande aussi de créer une plateforme de services numériques personnalisés et interopérables entre tous les acteurs du réseau France Travail, dont les Opco, les chambres consulaires, les services des collectivités, etc. Il s’agit, notamment, de permettre le dépôt d’offres "une fois pour tous".
La plateforme pourra se décliner de façon territorialisée en partenariat avec les régions volontaires avec pour ambition de favoriser les synergies avec les acteurs privés du recrutement (banque de profils, accès aux services, etc.).
LES MISSIONS LOCALES : "FRANCE TRAVAIL JEUNES" L’ensemble implique une nouvelle organisation collective. Pôle emploi devra donc, comme l’a indiqué le président de la République, se transformer en France Travail. "Aujourd’hui, Pôle emploi a pour objectif de s’occuper des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Ce qui change radicalement c’est que France Travail devra veiller à ce que 100 % des personnes sans emploi aient le bon accompagnement", détaille Thibaut Guilluy. Ce qui ne veut pas dire que l’opérateur devra les accompagner lui-même.
Les missions locales constitueront "France Travail Jeunes", aux côtés du nouvel opérateur et co-animeront la mise en œuvre des actions au service des jeunes au sein de France Travail. Cap Emploi sera opérateur "France Travail Handicap".
"Les missions locales sont positionnées de façon spécifique, comme opérateur spécialisé", commente le haut-commissaire. La mission n’a pas souhaité "enfermer les missions locales dans [le suivi des] jeunes les plus éloignés de l’emploi", poursuit-il. Il faudra prendre en compte la situation du jeune par rapport au marché du travail mais aussi, par exemple, sa proximité géographique avec les différentes structures.
Pour sortir des "effets de concurrence stérile" parfois constatés entre les différents acteurs, Thibaut Guilluy propose des "objectifs de résultats de retour à l’emploi, plutôt que des objectifs de moyens et de chiffres".
OUTILS COMMUNS OU COMPATIBLES
L’ensemble des acteurs mobilisés (collectivités, Apec, Afpa, E2C, Epide, Opco, Plie, maisons de l’emploi, associations, SIAE et acteurs du handicap, Agefiph, FIPHFP, CAF, CPAM, réseaux et acteurs privés, etc.), sont qualifiés de "partenaires de France Travail".
Pour organiser cette "porte d’entrée la plus large", pour les entreprises comme pour les particuliers, France Travail proposera des "communs physiques, méthodologiques et numériques". Cela implique des systèmes d’information et outils communs ou compatibles. Par exemple un dossier de suivi partagé des personnes.
Le projet nécessite un vaste plan d’accompagnement des professionnels en charge de la prise en charge et de l'accompagnement, explique le rapport. C’est le rôle de la future Académie France Travail pour "se former ensemble".
GÉNÉRALISATION EN 2027
Côté gouvernance, la mission promet une simplification des instances décisionnelles qui seront regroupées au sein de quatre comités France Travail, un pour chaque échelon territorial d’intervention (local, départemental, régional, national). "Une gouvernance qui part du local", assure le haut-commissaire. Le comité régional "partira de l’évolution du Crefop, qui associe État, région et partenaires sociaux", ajoute-t-il.
Les mesures législatives permettant la mise en place de France Travail sont attendues dans le projet de loi "Plein emploi". Elles devraient être présentées en Conseil des ministres en mai prochain puis commencées à être débattues au Parlement avant l’été ; ce texte devrait aussi contenir la réforme des lycées professionnels.
Thibaut Guilluy prévoit une "montée en puissance progressive", en vue d’une généralisation du nouveau dispositif en 2027. Outre les expérimentations RSA, des préfigurations régionales sont prévues en 2023 notamment autour du "guichet unique" à l’entrée ou de formation.
QUEL BUDGET ? La mission table sur des investissements en moyens humains et financiers importants. D’une part, pour poursuivre l’effort dans la formation mené via le PIC, actuellement à hauteur de 2,5 milliards d’euros par an. D’autre part, pour mettre en œuvre les mesures estimées entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros de financements cumulés sur la période 2024-2026, compte tenu de la montée en charge progressive et des moyens existants. "Il y a quelques investissements pour des lieux, des outils mais l’essentiel est l’investissement humain", assure Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi.







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